Et s’il reste de l’argent au CSE au titre du budget de fonctionnement ?

L'argent du CSE pour le budget de fonctionnement

Et s’il reste de l’argent au CSE au titre du budget de fonctionnement ?

Si le comité social et économique n’a pas dépensé la totalité de son budget de fonctionnement une année donnée, il peut reporter ces sommes sur le compte de l’année ou des années suivantes. Il peut même utiliser une partie des excédents annuels pour financer des activités sociales et culturelles. Est-ce pour autant une bonne idée ?

Les deux budgets dont dispose le comité social et économique sont et doivent rester distincts


Il est fréquent que le budget de fonctionnement du CSE ne soit pas utilisé en totalité chaque année, alors que ce n’est quasiment jamais le cas pour le budget destiné aux activités sociales et culturelles (ASC). Le principe veut que ces deux budgets aient des finalités différentes et que le budget de fonctionnement ne peut pas servir aux activités sociales et culturelles. Il en est ainsi même si l’employeur ou le personnel est d’accord pour opérer un tel transfert. Les deux budgets sont en effet distincts et doivent faire l’objet :
de calculs distincts. Par exemple, l’employeur ne peut pas décider de verser une majoration pour des activités sociales en diminuant le montant du budget de fonctionnement ;
de comptabilités distinctes. Le compte rendu annuel de gestion du comité doit faire ressortir, pour chaque budget, les recettes et les dépenses du CSE.

Le CSE peut essayer de négocier avec sa banque une convention qui lui permettra, lorsque le budget social est proche de zéro en fin d’année, de régler par exemple une partie des cadeaux et des bons d’achat de Noël sur le compte du fonctionnement. Dans le même ordre d’idée, il n’est pas interdit en cours d’exercice d’effectuer une sorte d’emprunt sur le budget de fonctionnement. Bien évidemment, dans les deux cas, il faut remettre l’argent ainsi utilisé sur le compte de fonctionnement

Au-delà du risque juridique, le CSE qui pratique ce genre de transfert se prive de moyens financiers indispensables à l’exercice de ses missions légales


D’un point de vue juridique

Que peut-il se passer sur un plan juridique lorsqu’un CSE utilise une partie de son budget de fonctionnement pour couvrir des dépenses relevant normalement des ASC ? En tant que membre du comité, le président a le droit de dire « Non » au CSE. Si nécessaire, il pourrait invoquer l’existence d’un trouble manifestement illicite et demander en justice l’annulation d’une délibération par laquelle le comité a décidé d’utiliser son budget de fonctionnement pour financer des ASC. Le juge pourrait ainsi interdire au comité d’engager la dépense projetée, voire de réintégrer dans le budget de fonctionnement les sommes déjà utilisées à tort pour des activités sociales et culturelles. Il y a déjà eu des cas de jurisprudence (Cass. soc., 20 oct. 2021, n° 20-14.578).

Sur un plan pénal, le fait d’utiliser le budget de fonctionnement pour faire du social pourrait même constituer un abus de confiance. L’abus de confiance, c’est schématiquement le fait pour une personne de détourner au préjudice d’autrui des fonds… qui lui ont été remis pour un usage déterminé (C. pén., art. 314-1). Or, le budget de fonctionnement du CSE, il est bien versé pour permettre au comité de fonctionner et d’exercer ses missions légales. Si on l’utilise pour les activités sociales et culturelles, on en détourne l’objet, on est dans l’abus de confiance.

Et l’Urssaf, pourrait-elle reprocher quelque chose au CSE ? Généralement, quand l’Urssaf constate à l’occasion d’un contrôle une telle pratique, elle signale au trésorier du comité que c’est interdit. Pour autant, contrairement à une idée reçue, le seul fait d’avoir utilisé le budget de fonctionnement pour du social ne peut pas justifier un redressement Urssaf.

D’un point de vue pratique

Au-delà des risques juridiques, une telle pratique peut être préjudiciable au comité social et économique et aux salariés. Le budget de fonctionnement doit permettre au comité d’exercer ses très nombreuses missions légales, notamment celles se rapportant à la défense de l’emploi et à la santé et la sécurité des salariés, en toute indépendance vis-à-vis de l’entreprise. Il prendrait le risque de s’affaiblir lui-même, ce qui dans certaines situations pourrait faire l’affaire de l’employeur.

La formation périodique des élus sur le droit du travail, sur la prévention des risques professionnels…, le recours éventuel à un avocat, une assistance juridique, une documentation supplémentaire, etc. représentent des dépenses importantes, qu’il ne serait pas forcément possible d’engager si le comité se démunissait d’une partie de sa subvention de fonctionnement.

A cela s’ajoute le fait que certaines expertises légales doivent être cofinancées par le CSE à hauteur de 20 %, les 80 % restants étant la charge de l’employeur. C’est notamment le cas lorsque le comité décide de se faire assister par un expert habilité en cas d’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise ou de projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-80). S’il n’y a pas assez d’argent sur le compte de fonctionnement…

Il existe une exception légale qui permet de transférer une partie de l’excédent de budget de fonctionnement


Le CSE peut décider « de transférer une partie du montant de l’excédent annuel du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles » (C. trav., art. L. 2315-61). Ce transfert ne peut pas aller au-delà de 10 % de l’excédent annuel (C. trav., art. R. 2315-31-1).

On ne peut transférer que l’excédent annuel, ce qui signifie que l’on doit attendre la clôture de l’exercice pour voir ce qui reste comme excédent en fin d’année. Par exemple, s’il reste 10 000 euros à la fin de l’exercice comptable, le CSE ne pourra pas transférer plus de 1 000 euros. Cela signifie aussi que le comité ne peut pas faire le calcul sur plusieurs années et transférer 10 % des sommes épargnées au titre du budget de fonctionnement.

La décision du comité d’opérer un tel transfert doit faire l’objet d’une délibération adoptée en réunion. La somme transférée et ses modalités d’utilisation doivent être inscrites dans les comptes annuels du CSE et dans son rapport annuel d’activité et de gestion

C’est autorisé mais est-ce pour autant une bonne idée ? Pas certain du tout. Normalement, si le CSE n’a plus d’argent pour payer une partie d’une expertise qu’il avait pourtant l’obligation de cofinancer, c’est à l’employeur de payer 100 % de la facture (C. trav., art. L. 2315-80). Mais attention, pour qu’il puisse en être ainsi, le comité ne doit pas avoir opéré de transfert d’excédent du budget de fonctionnement vers celui des activités sociales et culturelles au cours des 3 années précédentes. En plus, si l’employeur a été obligé de payer 100 % de l’expertise, le comité social et économique ne pourra pas décider de transférer d’excédent du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles pendant les 3 années suivantes (C. trav., art. L. 2315-61)..

S’il reste de l’argent, penser à la formation des délégués syndicaux et même des éventuels représentants de proximité


Le code du travail autorise le CSE à consacrer une partie de son budget de fonctionnement pour payer une formation aux délégués syndicaux et aux éventuels représentants de proximité. Mais attention, cela doit être fait en toute transparence :
d’une part, la décision de financer de telles formations doit résulter d’une délibération du comité inscrite à l’ordre du jour et adoptée à la majorité des membres présents ;
d’autre part, la somme consacrée à ces formations et ses modalités d’utilisation sont inscrites dans les comptes
annuels du comité social et économique et dans son rapport annuel d’activité et de gestion.

Sur le plan légal, rien n’interdit au comité social et économique de faire fructifier sa trésorerie


En veillant à ne pas prendre de risques, le CSE a tout à fait la possibilité de placer les fonds dont il dispose dès lors qu’il garde en trésorerie courante de quoi honorer ses créanciers. Cette pratique est courante. Les placements financiers les plus fréquemment choisis par les comités sont les suivants : les comptes sur livret, les comptes courants rémunérés que proposent certaines banques et les SICAV. L’achat d’actions et d’obligations est à déconseiller.

La question qui se pose est celle de savoir si le CSE qui a placé une partie de son budget de fonctionnement peut affecter les sommes que cela lui a rapportées au budget des activités sociales et culturelles. Réponse négative ! En effet, d’après la jurisprudence, les opérations du CSE, selon qu’elles sont financées à partir de la subvention de fonctionnement ou de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles, restent dans leurs produits et charges rattachées aux comptes du comité correspondant à leur financement d’origine (Cass. soc., 2 déc. 2020, n° 19-10.299).

OBSERVATIONS

Le CSE peut effectuer des reports

Le CSE n’est absolument pas obligé de dépenser chaque année la totalité de la subvention de fonctionnement. Les sommes inutilisées, qui lui restent bien évidemment acquises, peuvent être reportées sur le budget de fonctionnement d’année en année de manière à se constituer des réserves. Ces réserves pourront permettre de faire face à des dépenses très importantes une année ultérieure (coût relatif à une expertise non prise en charge par l’employeur, action en justice, etc.). Les reports sont possibles d’une année sur l’autre sans condition ni limitation.