Le droit de grève

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N’en déplaise à certains le droit de grève est un droit… usité depuis 1864 et inscrit dans la Constitution depuis le 27 octobre 1946.
Il n’en reste pas moins l’un des droits constitutionnels les plus controversés car il est un moyen d’expression utilisant la force, souvent économique, pour obtenir gain de cause.

Mais après tout, une grève qui ne gêne personne n’a guère d’utilité. Elle reste, par nature, un acte de résistance et de conflit.

 

Qu’est-ce qu’une grève ?

Du latin populaire « grevis /conflit, dommage », la grève est tolérée depuis le 25 mai 1864 (avant, elle était un délit pénalement sanctionné), comme étant « une action collective consistant en une cessation concertée du travail par les salariés d’une entreprise » dans le but de défendre des revendications de nature professionnelle.

Le droit de grève est pleinement reconnu est inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dans le point 7 « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. »

Deux principes contrebalancent ce droit : « La continuité du service public et la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens. » qui ont donné naissance au service minimum.

1963, le législateur encadre un peu ce droit, en interdisant les grèves qui visent à paralyser l’action d’une entreprise et dans la fonction publique, un syndicat est contraint de déposer un préavis cinq jours au moins avant la cessation du travail.

1964, le contrôle aérien fait l’objet d’une prise en charge minimale pour des raisons de sécurité.

1968, la loi organise la section syndicale d’entreprise.

1979, l’audiovisuel public a l’obligation de diffuser un journal d’information et une émission de divertissement chaque jour.

1980, le secteur nucléaire, se doit d’assurer la sureté des installations et la sécurité des personnes et des biens. Dans les hôpitaux, le directeur peut assigner le personnel médical nécessaire à la marche de l’établissement.

2008, dans les transports, les grévistes ont l’obligation de se déclarer 48 heures à l’avance, pour permettre l’organisation d’un plan de transport minimum.

 

Que dit la loi ? :

Dans le secteur privé, l’article L2511-1 du Code du Travail prévoit que : « L’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux. Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit. »
En cas de litiges sur l’exercice du droit de grève, les salariés concernés peuvent saisir la juridiction compétente :

  • Secteur privé, en référé au Tribunal de Grande Instance
  • Secteur public, en référé liberté devant le Tribunal Administratif

 

La France syndicaliste ?

Lorsque les rapports sociaux sont basés sur la régulation conflictuelle, il ne parait pas étonnant que la France ait la réputation d’être championne de la grève.
Contrairement à certains voisins européens qui ont construit leurs rapports sociaux sur un principe de « régulation pacifiée », où la négociation précède le conflit, la France, l’Espagne et l’Italie ont bâti un système de « régulation conflictuelle », manifester permet de déclencher les discussions pour trouver une issue. La rue fait partie de notre héritage historique, qui date notamment de la Révolution et reste l’endroit de prédilection des mouvements de revendications.

Le syndicalisme français est aussi très différent. Si l’on prend l’exemple de l’Allemagne, les grands syndicats sont sociaux-démocrates, alors qu’en France les syndicats ont longtemps été marxistes et militants, défendant la lutte des classes.

D’après le baromètre élaboré par le site www.cestlagreve.fr, qui recense les mouvements en cours, nous avons connu 712 grèves en 2017, 801 en 2016 et 966 en 2015.

Les 3 premiers départements les plus grévistes sont :

  • La Seine-Saint-Denis -37,
  • Paris – 35
  • La Loire-Atlantique – 30

Les services publics sont les plus contestataires, avec 326 mouvements.

En 50 ans, la France connait un recul de grèves important, avec un nombre de jours de travail perdus divisé par 10.
Ce recul est à mettre en parallèle avec celui de la syndicalisation. A peine 8,7 % des salariés du privé adhèrent à un syndicat contre près de 20 % des fonctionnaires.
Les nouvelles organisations du travail issues des décrets Macron devraient profondément changer le climat social et permettre aux syndicats, si ils s’en donnent les moyens, de retrouver une place centrale dans les négociations.
Une autre forme de contestation fait une montée en puissance régulière, c’est ce qu’on appelle les « débrayages » c’est-à-dire des arrêts de travail de très courtes durées, de quelques minutes, de quelques heures et parfois plusieurs fois dans la même journée. Ce qui révélerait non pas une baisse des conflits sociaux mais plutôt une forme différente de la conflictualité.

 

Les conflits sociaux moteur du changement social ?

Les grèves ont, tout au long des différentes républiques, joué un rôle majeur dans la vie politique et sociale.

En ce sens, chacune des revendications sociales, ont été à même de déstabiliser l’ordre établi pour tendre vers une transformation profonde de notre société.

Les conflits sociaux permettent de dénoncer et de modifier une inégale répartition des ressources au sein de la société sans pour autant vouloir la modifier dans son ensemble. La répartition des ressources reste un motif fréquent de conflit social.

Il existe aussi aujourd’hui une tendance, comme au 19éme siècle, à vouloir discréditer la valeur de la participation politique des couches les plus populaires. Par leur exclusion de la sphère politique, elles se retrouvent souvent assujetties au pouvoir des médias et entravées dans des discussions dites d’”experts” alors que les revendications et les luttes relèvent plus souvent d’une affaire de choix politique et non du domaine de l’expertise dans lequel, nombreux sont ceux qui veulent enfermer les mouvements sociaux.

Par ce manque de légitimation, il pourrait être facile d’oublier qu’il fut un temps, pas si éloigné où la durée quotidienne de travail dépassait 10 heures, sans jour de congé, la précarité salariale sans minima était une règle, le travail des enfants dès leur plus jeune âge une normalité, l’absence de couverture sociale conduisait une famille a la rue à la suite d’un accident de travail, l’enseignement était non obligatoire, le droit à géométrie variable suivant les classes, la discrimination raciale, religieuse et sexiste n’en n’était pas, l’absence de conventions collectives et de contrat de travail écrit etc… furent autant sujets ayant nécessité des mouvements sociaux pour évoluer.

 

Le droit social, le syndicalisme et les nouvelles technologies comme les robots…

La révolution de l’industrie et des services ayant recours aux robots et à l’intelligence artificielle, où et comment le droit social et les revendications vont-elles s’adapter.
Exceptionnelle de réalisme, la série-fiction suédoise « Real humans » créée par le réalisateur Lars Lundström et diffusée en 2013, explore avec une grande intelligence les rapports maître/esclave toujours ambigus d’une société futuriste… mais finalement pas si futuriste que cela. Ces robots à l’apparence humaine dotés d’une intelligence extrême et d’une adaptabilité qui leur permet d’accomplir toutes sortes de tâches du quotidien. Ces nouveaux esclaves qui vivent aux côtés des humains sont coachs sportifs, ouvriers, femme de ménage, assistants de personnes âgées, femme ou hommes de toutes sortes de compagnies.

Le Parlement européen envisage des droits de « l’homme » pour les robots. Alors Homme ou machine ?

Donner des droits aux robots, reviendrait pour certain à nier la nature humaine.

En 2017, la commission des affaires juridiques du Parlement européen a adopté un projet de résolution réclamant des règles européennes en matière de droit des robots. L’eurodéputée Mady Delvaux évoque que « De plus en plus de domaines touchant nos vies quotidiennes sont concernés par la robotique. Pour faire face à cette réalité et garantir que les robots sont et restent au service de l’homme, nous avons besoin de créer de toute urgence un cadre juridique européen ».

« Entre 2010 et 2014, les ventes de robots ont augmenté en moyenne de 17 % par an et le nombre annuel de demandes de brevets dans le domaine de la robotique a triplé au cours des dix dernières années.

Le parlement estime « qu’un système européen général d’immatriculation des robots avancés pourrait être créé au sein du marché intérieur de l’Union si cela est pertinent et nécessaire pour certaines catégories spécifiques de robots ».

A ce titre, il demande à la Commission de « définir des critères de classification des robots dont l’inscription au registre devrait être obligatoire » ; et invite la Commission à « réfléchir à l’opportunité de confier la gestion du système d’immatriculation et du registre à une agence spécifique de l’Union chargée de la robotique et de l’intelligence artificielle ».
Considérant que, « dans l’hypothèse où un robot puisse prendre des décisions de manière autonome, les règles habituelles ne suffiraient pas à établir la responsabilité juridique pour dommages causés par un robot, puisqu’elles ne permettraient pas de déterminer quelle est la partie responsable pour le versement des dommages et intérêts ni d’exiger de cette partie qu’elle répare les dégâts causés … »
Le texte dit que « plus les robots grandiront en autonomie, moins il sera possible de les considérer comme de simples objets dans les mains de leur propriétaire. » et prévoit de « créer le statut de personnes électroniques pour les robots autonomes les plus sophistiqués, impliquant des droits et des obligations spécifiques. »
En quelque sorte, des droits de « l’homme robot ».

En 1942, l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov, décrivait dans sa nouvelle « Cycle fermé (Runaround)», les 3 lois de la robotique à la base du scénario du film « I, Robot » d’Alex Proyas :

  1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger ;
  2. Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;
  3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

Alors que le premier « robot social » Sophia, modelé à partir de l’actrice Audrey Hepburn, sa figure en silicone peut mimer jusqu’à 62 expressions et émotions humaines. Elle utilise la reconnaissance faciale et vocale et a la faculté de pourvoir tenir une conversation rationnelle, a obtenu la nationalité Saoudienne, lui conférant ainsi un statut.

La proposition d’un code de conduite éthique dans le domaine de la robotique devrait proposer les bases de l’identification, de la surveillance et du respect de principes éthiques fondamentaux dès la phase de conception et de développement des robots.

Autant de points parmi d’autres soulevés par la Commission Européenne sur lesquels, il est effectivement urgent de se pencher.

Alors que les robots entrent chaque jour un peu plus dans notre quotidien*, les « hommes robots » auront-ils le droit de grève ?

Oui, certainement… comme nous devrions prochainement en voir devant la justice, quid du responsable en cas d’accident, le concepteur, le fabricant, le propriétaire, l’utilisateur ou le système d’intelligence artificielle qui le gère ?

L’extraordinaire rapidité de ces évolutions, vont changer radicalement notre mode de production, de commerce et de gouvernance. L’utilisation de l’intelligence artificielle posant déjà des problèmes philosophiques, éthiques et politiques majeurs.

 

*La robotisation et l’intelligence artificielle au travail, mais de qui ?
*Impact de la transformation digitale sur les conditions de travail.

 

Article rédigé par
Anne RICHARD
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