Le télétravail, l’entreprise et les collaborateurs

dossier sur le teletravail

Les problématiques de transports difficiles pour les collaborateurs, la digitalisation des métiers et des outils, le prix du mètre carré de bureau impactant de plus en plus le budget des entreprises, la volonté des collaborateurs d’aller vers un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle sont autant d’axes permettant aux entreprises de réfléchir à comment inventer le travail de demain ?
La recherche du « bonheur au travail » n’est plus une utopie et l’amélioration du confort et du bien-être au travail sont devenus des objectifs prioritaires tant pour les entreprises par le développement de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) qui introduit la notion de développement durable, en associant les préoccupations sociales, environnementales et économiques, que pour les investisseurs dans leur politique d’investissement Socialement Responsable (ISR) qui intègre des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans la gestion financière. Et le télétravail dans tout ça ?

 

Le cadre de travail

L’étude de l’OID – ARSEG de février 2017 portant sur le « confort et bien-être dans les immeubles de bureaux », menée auprès de collaborateurs et de Directeurs de l’Environnement de Travail vise à mettre en lumière les attentes et les critères de confort et de bien-être des utilisateurs pour l’immobilier tertiaire.

Il en ressort qu’ « une prise en compte de « l’individualité », la possibilité de disposer d’un espace privé, la personnalisation du mobilier notamment en proposant du mobilier transformable permettant de varier les postures de travail, le calme, la lumière naturelle, la température, l’acoustique, les espaces verts, la flexibilité, la qualité de l’air et de l’eau, la détente et la convivialité, le sport et la culture, la mise à disposition de vélos, d’emplacements de stationnement de services à proximité, de produits d’entretien respectant l’environnement et l’alimentation en produits bio, révèlent le besoin grandissant d’épanouissement des collaborateurs au travers l’exercice du travail.

Prendre soin de sa santé physique et mentale par le développement du confort et du bien-être au travail, c’est aussi adapter son cadre à son rythme biologique.

Force est de constater que toutes les entreprises ne peuvent pas proposer ou mettre à disposition ces critères de confort rechercher par les collaborateurs. Pour autant, le télétravail permettrait de répondre à bon nombre d’entre eux notamment en premier lieu à celui de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle

 

Les nouvelles tendances de travail

L’étude Ipsos et Révolution @ Work de novembre 2016, dévoile les nouvelles tendances de travail. Celle-ci révèle « un fort attrait des Français pour les nouveaux modes et espaces de travail comme le télétravail, les espaces collaboratifs ou encore le management horizontal. » Les personnes interrogées estiment même que ces nouvelles modalités de travail offrent un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle et s’avèrent par ailleurs sources d’efficacité.

Télétravail, management horizontal, flexibilité des horaires… les français seraient-ils prêts pour la révolution au travail ?

« Les personnes interrogées estiment avoir des opportunités pour un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle et des sources d’efficacité. » :

  • 65% travaillant dans un bureau sont intéressés par le télétravail, plus particulièrement répandu chez les cadres (41%) et les Franciliens (31%).
  • 70% estiment que le télétravail est une bonne chose pour le rythme de vie.
  • 64% considèrent que c’est une bonne chose pour les salariés,
  • 62% que le télétravail favorise l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
  • 55% estiment que c’est une bonne chose pour les entreprises et plus d’un sur deux que cela favorise l’efficacité au travail.
  • 79% évoquent la réduction des embouteillages, et la décentralisation de l’économie en Province (71%).
  • 44% admettent néanmoins que le télétravail peut limiter les relations entre collègues et 28% les échanges avec d’autres professionnels,
  • 85% estiment que la flexibilité est un facteur d’efficacité au travail,
  • 72% souhaitent « travailler plus souvent de chez soi »
  • 65% souhaite avoir l’accès à des espaces de convivialité pour favoriser les échanges
  • 62% aimeraient un mode de management moins vertical
  • Les interviewés salariés attendent avant tout de leur manager de la confiance (54%) et de l’écoute (45%) devant la vision (19%).

 

Le coût d’un poste de travail

Les « BUZZY RATIOS 2016 » de l’ARSEG (réseau professionnel consacré aux managers de l’environnement de travail), qui utilisent une base avec un panel de 2.3 millions m² de surface utile brute locative (SUBL) d’espaces tertiaires répartis sur tous les secteurs d’activités en France, fait ressortir que le taux d’occupation moyen d’un poste de travail attitré, en prenant en compte les congés, les RTT, la maladie, le télétravail, les déplacements
professionnels et les réunions serait de 50% et que le coût annuel d’un poste de travail incluant la location, les taxes et les charges d’exploitation serait de 12352€.

Le télétravail remet profondément en cause le modèle du bureau traditionnel qui, avec un taux d’occupation moyen qui ne dépasse pas les 50 %, devient ainsi une aberration financière et écologique.

 

Les différentes formes de télétravail

A l’heure actuelle nous pouvons distinguer 4 formes de télétravail :

  • Le télétravail total : le salarié ne vient dans l’entreprise qu épisodiquement. Le reste du temps, il travaille à domicile.
  • Le travail en alternance : le salarié dispose d’un bureau dans l’entreprise, mais travaille souvent de chez lui.
  • Le travail nomade : le salarié travaille à distance au gré des déplacements.
  • Le travail en bureau satellite : le salarié travaille en déplacement et dispose d’un bureau dans les agences ou bien est rattaché à un espace de « co-working ».

 

Ce que dit la loi

L’Accord-cadre européen du 16 juillet 2002, de la confédération européenne des syndicats, se compose de 12 articles, qui ont chacun valeur de dispositions « Le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière. »

La loi n°2012-387 du 22 mars 2012, article 46, protégeant les travailleurs à domicile, « le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci. »

La loi Sauvadet du 12 mars 2012 avec décret d’application du 11 février 2016, fixe les règles du télétravail dans le secteur public.

Selon l’article L.1222-9 du code du travail : « Le contrat de travail ou son avenant précise les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. À défaut d’accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail. »

Selon l’article L.1222-10 du code du travail, l’employeur est tenu :

  1. De prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ;
  2. D’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;
  3. De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;
  4. D’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail ;
  5. De fixer, en concertation avec lui, les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement le contacter.

 

Le profil du télétravail

Bien que l’idée semble séduire beaucoup de monde, n’est pas télétravailleur qui veut !

Le télétravail, se mérite et nécessite certaines qualités et compétences, comme par exemple l’autonomie, la rigueur, savoir ne pas se laisser distraire en faisant preuve de beaucoup de sérieux.

 

Les avantages à recourir au télétravail

Si le télétravail permet aux entreprises de réduire la superficie et donc le coût de mise à disposition de bureaux, quels sont les avantages pour les collaborateurs ?

Même si le télétravail est source de flexibilité, en permettant de mieux articuler vie professionnelle et extra-professionnelle, tout en favorisant la qualité du travail, l’égalité professionnelle et la performance de l’entreprise dans l’objectif avoué de façonner de nouveaux compromis socio-productifs, … celui-ci ne s’improvise pas.

Comme n’importe quelle nouvelle organisation, il a besoin d’être préparé et discuté, afin de garantir la continuité des activités, le maintien d’une vie collective et le partage.

Pour toutes ces raisons, il est préconisé de procéder à une négociation collective concernant l’organisation du télétravail, qui ne doit pas se faire au détriment des conditions de travail et du risque d’isolement.

L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) dans sa publication « les 10 questions sur le télétravail » de janvier 2017, propose une approche collective et organisationnelle du télétravail, au-delà ou en complément d’une approche du télétravail individuelle et sociale, abordant le télétravail comme une réponse possible mais surtout une opportunité de transformation pour les entreprises, et les territoires.

« L’organisation du travail « hors les murs » de l’entreprise, encadrée par la loi, nécessite de revisiter un bon nombre des paramètres de la relation de travail ordinaire : espaces, mesures du temps et de la charge de travail, modes d’action du management sur les collectifs de travail. La mise en oeuvre de cette organisation offrant ainsi au dialogue professionnel et social dans les entreprises l’occasion de construire de nouveaux cadres de travail, de négocier de nouvelles règles et de nouveaux usages au travail. »

les conditions du teletravailLe télétravail est un dispositif clé du Plan de Continuité d’Activité des entreprises, celui-ci est mis en oeuvre en cas d’événement rendant indisponible les locaux de l’entreprise (ex : crise sanitaire de type pandémie, sinistres). Il est donc important d’y réfléchir en amont, même si la pratique du télétravail est absente de l’entreprise.

Le télétravail permet à :

  • L’entreprise de :
    • D’augmenter son attractivité et son image
    • Répondre à une demande des salariés
    • Faire des économies de locaux administratifs / de frais de fonctionnement (+/-) ; déménagement…
    • Réduire l’absentéisme,
    • Intégrer la qualité du travail et la RSE par la réduction des émissions de gaz à effet de serre,
    • D’augmenter sa productivité, dont les gains pourraient atteindre « 5 à 30 % ». …
  • Au collaborateur :
    • Concilier la vie professionnelle et la vie personnelle
    • Permettre une meilleure concentration
    • Réduire les temps de trajet et les risques routiers
    • Réduire la fatigue, stress…
    • Les coûts liés au trajet domicile- travail (essence, entretien du véhicule)
    • Gagner en pouvoir d’achat (repas…)

Les points négatifs pour :

  • L’entreprise :
    • Conséquences sur la performance des collectifs de travail
    • Surcharge de travail, à ce titre, article L. 3121-60 stipule que « l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail » et qu’il « organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ».
    • Le domicile privé du salarié ne peut être utilisé comme lieu d’accueil des clients
    • La protection des données traitées par le télétravailleur est de la responsabilité de l’employeur.
    • La formation aux outils collaboratifs et l’installation éventuelle à son domicile.
  • Le collaborateur :
    • Doit maîtriser les outils de coordinations comme les agendas partagés… et les applications collaboratives,
    • Renforcement du contrôle par le management
    • Surcharge de travail
    • Isolement
    • Moindre accès à l’information
    • Délitement du collectif et perte du sentiment d’appartenance
    • Double contrainte familiale et professionnelle
    • Freins dans l’évolution professionnelle
    • Compte tenu de la définition de l’accident du travail dans l’article L411-1, la présomption d’imputabilité relative aux accidents de travail s’applique uniquement en cas de télétravail formalisé dans un accord collectif et/ou un avenant au contrat de travail. Quid de l’accident du travail en zone « grise », lorsque celui-ci n’est pas formalisé par l’employeur ?

 

Le côté obscur du télétravail

Les entreprises et le télétravail plus ou moins reconnu !

Selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), même s’il est très difficile de quantifier le phénomène, il est estimé qu’au moins 8 à 10% de la population active pratique le télétravail.

Il existe beaucoup de télétravail caché dit en zone « grise », non formalisé par un avenant au contrat de travail, comme l’impose la loi.

Pourtant, le télétravail déclaré est facile à mettre en place, tant sur le plan juridique que sur le plan pratique, puisque lorsque les 2 parties sont d’accord, l’entreprise doit mettre à disposition du salarié le matériel technique (informatique, bureautique) nécessaire à l’exercice de ses fonctions et prendre en charge les communications téléphoniques et l’accès internet.

Malgré cela, des freins perdurent, parmi les plus importants les défraiements que les entreprises devraient verser à leurs collaborateurs :

  • Lorsque le travail au domicile est mis en place à la demande de l’employeur, celui-ci doit indemniser le salarié de l’immixtion dans sa vie privée constituée par le télétravail en tant que tel. La jurisprudence a ensuite posé le principe du versement par l’employeur d’une indemnité au titre de l’occupation du domicile à des fins professionnelles, sauf si c’est le salarié qui a demandé à être en télétravail. Le contrat devrait donc mentionner le principe de cette indemnisation, et si possible son montant. L’indemnité versée n’ayant pour le moment pas été qualifiée de frais professionnels, il semblerait préférable de la soumettre aux cotisations sociales comme du salaire.
  • Les salariés dont le contrat prévoit un travail à domicile, implique que les déplacements pour se rendre dans le cadre de son activité au siège de l’entreprise constituent des déplacements professionnels que l’employeur doit prendre en charge.
  • Les frais liés à la mise à disposition d’un local ou d’un bureau privé pour un usage professionnel, (ex. : montant du loyer ou valeur locative brute au prorata de la superficie affectée à l’usage professionnel) et variables (ex. : chauffage, la climatisation, l’électricité, Taxe d’habitation, taxe foncière, taxes régionales, départementales ou communales comme la taxe d’enlèvement d’ordures ménagères, charges de copropriété, assurance multirisques habitation).
  • Les frais liés à l’adaptation d’un local spécifique (ex. : frais d’installations de prises téléphoniques ou électriques).

 

Le télétravail et son impact sur la santé

Dans son dernier rapport de février 2017, intitulé « Travailler en tout temps, en tout lieu : les effets sur le monde du travail » , l’organisation internationale du travail (OIT) alerte sur des dérives possibles :
« Le recours aux technologies de communication modernes favorise un meilleur équilibre global entre vie professionnelle et vie personnelle mais, dans le même temps, il estompe la limite entre travail et vie personnelle.

Il aboutit à de plus longues heures de travail, à une intensification du travail et à une interférence entre travail et domicile.

Le travail additionnel à domicile qui peut être considéré comme des heures supplémentaires non rémunérées »

Garantir un minimum de périodes de repos afin d’éviter les effets délétères sur la santé et le bien-être des travailleurs »

Le besoin de se déconnecter pour maintenir une séparation entre travail rémunéré et vie personnelle »

Les problématiques de temps et d’espace de travail sont bousculées par l’ultra connexion des salariés et des organisations.

L’utilisation des outils connectés comme le smartphone ou l’ordinateur portable induisent un allongement de la durée du travail et une intensification du travail et réduisent d’autant l’espace entre la vie professionnelle et la vie familiale.

Le droit à la déconnexion typiquement français, décrié il y a peu par nos voisins se retrouve être de plus en plus cité en exemple.

Le télétravail apporte tout de même plus d’avantage que d’inconvénients.

 

Cette nouvelle forme de « nomadisme » professionnel présente de nombreux avantages en réponse aux défis actuels du monde du travail. Sensibiliser les salariés à l’utilisation des « TIC », former les managers et les chefs d’équipe au management à distance, adopter une posture de confiance envers le salarié en lui laissant de l’autonomie et en le responsabilisant, sont autant de facteurs de succès du télétravail dans les entreprises.

Les nouvelles technologies, nouvelles formes et organisations du travail, le prolongement des carrières, la compétition économique renforcée… sont les défis auxquels sont confrontés les salariés et les entreprises. Réinventer une nouvelle forme de travail est un facteur décisif de réussite pour notre société.

L’enjeu du télétravail pour l’entreprise du 21ème siècle sera de faire avec les travailleurs du « savoir », ce que l’entreprise du 20ème siècle a réussi à faire avec les travailleurs « manuels » : multiplier leur productivité par 50 en réduisant les coûts de structure d’autant. Tout en priorisant la qualité de vie et le bien-être au travail, l’écologie et le développement durable dans toutes les décisions.

 

Article rédigé par
Anne RICHARD
contact@physiofirm.com – Port : 07 63 45 41 91 – tél : 04 90 83 71 93
Directrice du développement et du marketing digital

 

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